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Janasse dans le bonheur

“Il eut suffi de presque rien, de quelques années de moins, pour que je te dise je t’aimeeeeee…..” L’avant-dernière m’ayant paru sur le déclin, j’avais garé la dernière dans le casier des bouteilles “bonne pour la sauce”. Et puis l’autre soir après une journée exécrable au travail, j’ai pris ma douche, me suis enquis auprès de ma mie du menu et me suis dit qu’un poulet fermier qui avait le bon goût de se baigner en compagnie de pommes de terre et d’oignons, qui avait choisi cerfeuil, estragon, menthe et  basilic pour parfumer le bain ne pouvait quitter ce bas monde emporté par un verre d’eau. J’ai demandé à ma fiancée si ingurgiter quelques centilitres de rouge était une activité envisageable dans un avenir proche. La réponse étant évasive, je fis une analyse rapide de la situation : plat dont je raffole, seul à boire et lever demain 4h30. Résultat : ouvrir une bouteille que l’on peut envisager ne pas finir sans regret. Et là, au frais dans la cave, m’est revenu en tête cette dernière bouteille de Garrigues 1997 du Domaine de la Janasse. Remontée rapide de la cave, ouverture dans le même tempo et service à l’unisson. Oui, tout ça rapidement car à chaque fois je me fais tancer; je file toujours à la cave au moment où le plat chaud arrive sur la table. Le nez dans le verre, j’ai tout de suite senti que cette dame n’était pas sa jumelle. Pour les férus de note de dégustation je dirais, pour bien concentrer le propos et donc en résumé :”Hummm! Ah P….ça  c’est bon!” Nous étions en ligne directe avec le vin, le cépage, le terroir et  le vigneron*. Ne pouvant réprimer quelques grommellements de plaisir, mon amoureuse s’est dangereusement rapprochée de mon verre. Dés cet instant j’ai compris que l’irréparable pouvait se commettre à tout instant. Ce qui ne manqua pas d’arriver dans les minutes qui suivirent. Angèlinabellatchitchi, prénom corse un peu long il est vrai, se leva et prit un de ces grands verres fins volés au Château Moulin Pey-Labrie, arme redoutable de 4eme catégorie. Je me retrouvais à découvert, quasiment nu avec mon petit verre INAO. Par bonheur la dame éprouve à mon endroit, plus qu’à mon envers d’ailleurs, quelques sentiments et me laissa parfois accéder au flacon. La question d’un éventuel gaspillage ne se posa pas. Tout bu et même regretté que cette belle bouteille n’ait pas eu une sœur cachée.

* Je garde un très bon souvenir de cette journée passée avec Jacfé et Christophe Sabon, qui nous fit un cadeau royal en nous offrant une bouteille de sa cuvée “Les Vignes Oubliées”. Grenache 1995 ramassé tardivement, si je ne me trompe-je.

Domaine de La Janasse
Aimé, Christophe et Isabelle Sabon

27, Chemin du Moulin
84350 COURTHEZON
Téléphone: 04 90 70 86 29

Une expérience de l’eau de là

Je ne sais pourquoi certaines fois, heureusement rares, je me dis dès le placement à table : “Mais P…! Kéno t’es vraiment trop c..! Tu le savais et tu as accepté!…Tu ne la ramènes pas, tu t’escamotes dès que possible en t’excusant de partir si tôt mais tu te lèves à 4h et vieux comme t’es, tu ne le supportes plus, bla bla bla….”

….”Bon alors : Raphaël entre les deux André, Luc en face d’Alain et toi Philippe, ici à côté de moi!…. Comme mon petit bristol vous l’annonçait, je vous ai réuni ce soir pour que nous évoquions le mystère de l’eau et subséquemment son concept inhérent :”S’il est soluble dans le vin, Dieu l’est-il dans l’eau?”….Et afin d’éclairer nos esprits et pour être en osmose parfaite avec notre thème, nous allons accompagner notre végétal repas d’une sélection d’eaux minérales!”…. Cela devait bien faire vingt minutes qu’Enthoven parlait, je voyais en surimpression apparaitre les mots-clés de son discours et je ne comprenais toujours rien. Pourtant Finkielkraut et Glucksmann avaient bien tenté de me l’introduire mais décidément je n’arrivais pas à intégrer ce concept. Bien trop gros pour un si petit QI. Ferry et Comte-Sponville atterrés se demandaient ouvertement ce que je faisais là parmi eux. Puis l’image s’est brouillée, tout est devenu flou autour de moi, je changeais de monde, à mesure que leurs voix s’évanouissaient dans le néant surgissait de ce brouhaha une voix qui me paraissait familière et amicale.

Il a souvent été dit par ceux qui ont vécu cette étrange expérience que seule leur farouche envie de vivre les avait sauvés du néant qui les appelait au bout de ce tunnel éblouissant. Mon désir de vivre fut, ce jour-là, le plus fort. D’un filet ténu, la voix devint plus précise et je finis par discerner quelques bribes significatives ou du moins suffisamment évocatrices pour que je revienne à la vie. Car il s’agit bien ici d’une expérience mystique à laquelle j’ai participé bien malgré moi. Cette voix disait :”Philippe, réveille toi sinon t’auras pas de saint jacques à la crème et le jero de Mémé 90 est presque vide, alors tu arrêtes ta sieste et tu te pointes à table!”

Décidément on n’échappe pas à son destin et vouloir absolument se démarquer du commun des épiciers en regardant exclusivement Arte ne me vaut rien.

Avaler des merveilles

L’accroche avait de la gueule. Les trois escrocs m’avaient vendu l’affaire à peu près en ces termes : “Et au sommet t’apparaitra, au milieu d’une clairière à l’ovale parfait, un lac aux eaux pures dont, de l’onde cristalline, des naïades aux cheveux d’or sortiront pour entamer avec toi au crépuscule un ballet païen et torride qui te transfigurera et fera ressortir ton animalité brutale et sauvage”.

L’expérience se devait d’être initiatique, donc le premier jour fut consacré à la Vallée des Merveilles et à ces vestiges laissés par une jeunesse oisive en mal d’identité revendiquant à grands coups de silex le droit à exister. De cette période trouble, datant de 3000 ans avant J.C., ne perdurent que ces milliers de graffitis, obsession des autorités locales qui ont le plus grand mal à les faire disparaître.

Seul souvenir agréable de cette journée : ce petit en-cas diététique au refuge, terrines de pâté, rillettes, saucissons, “Rosé d’un jour” 2001 de Mark Angeli, le blanc d’Hervé Souhaut 2000 et Briand 99 de Gérald Oustric. Tout ceci sous le regard ahuri d’une bande de randonneurs patentés. Pour le reste, une vraie torture, marche forcée sous le soleil harassant et le soir s’il n’y avait eu ces deux bouteilles de Gramenon je serais allé me coucher sans boire.

Cette première journée n’avait eu pour but que de me distendre les ligaments du genou gauche et ainsi permettre le début d’un épanchement de synovie que je mettrais des mois à résorber, m’obligeant à abandonner la pratique du tennis de table et une carrière très prometteuse d’épongiste professionnel. L’ascension débuta par une très sévère côte au pourcentage ahurissant sous une pluie perfide et persistante qui coulait à l’intérieur de mon K-way, ruisselant le long du dos et des bras. Le souffle court aidé par une atmosphère saturée en humidité, j’ai grimpé durant des heures tout en me faisant bassiner les oreilles par le discours de l’escroc en chef qui ne cessait de vanter l’incomparable spectacle qui nous attendait. Et quand enfin nous arrivâmes au sommet dans un dernier râle, ce fut pour découvrir un marigot dans lequel nous aurions pu à peine patauger et entendre l’autre margoulin s’étonner à haute voix que c’était vraiment dommage car c’eut pu être “très beau”.

Depuis ce temps je prends bien soin de rester ami avec lui, mais ne manque pas une occasion de lui rendre, en sous-main, la vie plus difficile par de multiples mesquineries que je fais passer sur le compte de l’âge. En particulier j’ai mis de côté une sélection de vins exécrables que je compte bien lui mettre sur la table lors d’un vrai repas de m…. tout au souvenir dédié à ce week-end de 2003.

“N’oublions jamais!”

On ne choisit pas sa famille.

Lorsque ma seule et unique belle-sœur de mon unique frère m’a offert ce bocal “Le Parfait” de 2L,  je n’ai tout d’abord pas su comment je devais réagir. Devais-je l’en remercier ou profiter de l’occasion pour me fâcher avec eux et ainsi, enfin, devenir orphelin sur le tard? Rentré à la maison, j’ai bien pris soin de ne pas le ranger avec les comestibles. Il a ainsi trôné durant quelques années entre Javel et Destop. Et c’est à l’occasion d’un de nos symposiums philosophiques dans l’arrière-pays grassois où nous dégustons l’ovin naturel du coin que j’ai décidé de le ressortir. Est-ce la vue de ce documentaire sur le suicide collectif de la secte de Jim Jones en 1978 au Guyana, toujours est-il que j’ai senti le moment venu de faire ce grand pas vers l’inconnu en compagnie de mes vieux amis. C’est au deuxième jour que, l’esprit embué par différentes expériences gustatives, les héros fatigués ont fini par baisser la garde. Repus, nous venions de grignoter une dizaine de loups grillés à la braise, arrosés d’un petit magnum d’Amphibolite de Jo Landron. Posant le bocal sur la table, j’étais Francis Blanche dans les Tontons Flingueurs : “Maintenant qu’on a piraté le tout venant, on se risque sur le bizarre ?” L’enthousiasme général a mis un certain temps à se manifester. Il est vrai que la vue ne plaidait pas en ma faveur et c’est bien parce que l’ami Jacfé dispose d’un estomac basé sur le principe de la vis sans fin, que du bout des lèvres il a murmuré “Bon, ben s’il n’y a plus que ça!”. J’ai tiré sur la languette de caoutchouc orange comme on dégoupille une grenade. Ces choses oblongues à rayures immergées depuis une bonne quinzaine d’années dans cette mixture de vin blanc, carottes, oignons et autres ingrédients, étaient-elles encore vivantes et de quelle façon allaient-elles manifester leur retour à la vie? Les mines de mes camarades traduisaient assez peu d’empressement. Chacun se risqua de la pointe de la fourchette, impassible, sans manifester la moindre émotion Puis le va-et-vient s’accéléra pour rapidement évoquer la frénésie d’un banc de requins-fourchettes en crise. Dix minutes pour ne retrouver en bout de table que la carcasse vide. Le verdict de notre comité tomba net et avec grosses bavures résumé en termes imagés et concis dont je ne retiendrai que la première interjection, que l’on pourrait assimiler à un cri de douleur, suivie de l’évocation d’un ruminant, suivie quelques secondes plus tard de l’inévitable : “Et tu peux en avoir?” Hé bien oui je peux en avoir, et du millésimé en plus. Car j’aime ma famille et plus particulièrement ma belle belle-sœur, cette chère chère Catherine, qui m’a promis de me réserver les derniers bocaux qui se trouvent au fond du garage.

Miam!

Dernière répétition.

Demain sera un grand jour, quel que soit le résultat, de quelque tendance que l’on soit. L’événement nous marquera profondément, et dans notre quotidien, et pour longtemps : comme chaque année traditionnellement, nous nous retirons au mois de mai dans l’arrière-pays grassois pour méditer sur notre pôvre condition de mortels. Mais cette fois en plus il y a “La Présidentielle”. Alors notre ami Rénato a dit “Pas question de rater la cérémonie! Répétition générale chez moi vendredi soir et que chacun n’oublie pas d’apporter instrument et partitions!” Quelque peu fautif je me suis senti, car beaucoup de travail et des amis dans la même situation ne m’ont pas permis de réviser mes devoirs et là-dessus “Le Professeur” reste intransigeant. Pour compenser et surtout l’amadouer, j’avais apporté une belle pièce que tout le monde aime chanter : “Marguerite”. C’est un des grands airs composés en 2009 par Jean-François Ganevat. Une merveille de chardonnay sur laquelle nous avons tous repris en cœur. Jacfé, qui joue aussi bien de son stylo que du sécateur nous fit goûter la dernière cuvée issue de ses vignes algéroises : un délicieux Sidi-Brahim 100% gamay et en magnum. Sur une friture d’anchois nous avons fait jouer “Granite 2010” de Guy Bossard. Pour ce qui est de la souris d’agneau avec ses petits légumes croquants, “La Grange des Pères 2006” de Laurent Vaillé s’est révélée être parfaitement à la hauteur. Quant aux profiteroles au chocolat, glace à la vanille, entièrement réalisées par les petits doigts gourds de Rénato, “La Réveillerie 2004” du Domaine Lemaire-Fournier a clos en fanfare ce délicieux repas préparatoire. Pour certains, il manquait le final avec en apothéose “Cigares et vieux alcools” et sa variante proposée par les productions de la Maison Cazottes. Mais il est vrai que la pratique nocturne de certains instruments peut déranger, alors nous avons décidé de nous préserver en nous promettant bien de ne pas oublier demain ce final. Nous prendrons la route lourdement chargés après vérification du tampon sur la carte d’électeur effectuée par notre représentant local du Politburo.

Heavy méthane

A quoi bon vieillir si l’expérience ne nous apporte pas au moins une once de lucidité ? Mais moi, crétin que je suis, j’aurais dû m’en douter, le parcours était balisé, les indices pullulaient et je n’ai rien vu venir. Le fourbe avec sa petite face de poupon à bouclettes m’a bien berné.

Deux fois de la salade de pois chiches aurait déjà dû m’alerter, une pleine assiettée de gratin de choux-fleur et pour couronner le tout, ma fiancée qui lui prépare ces petits beignets de farine de châtaigne dont il raffole, il avale ça comme des cacahuètes. Pour avoir une idée de ce qu’il en ingurgite, il faudrait installer un compteur à l’entrée du gouffre. Content et repu, l’infâme m’a souhaité une bonne nuit et surtout de bien en profiter car “Demain la route sera longue!”

En effet J.C. avec ses treize stations peut remonter sur sa croix, moi c’est le trajet entier qui fut un calvaire. L’homme, sous prétexte qu’il entend mal, a nié toute production personnelle. “Si tel était le cas je l’aurais quand même bien entendu! Faut pas exagérer! PQ, tu énerves à la fin!” Certains lui trouvent la mine légèrement couperosée, soyez attentif ! Surveillez-le bien ! Ce sourire béat, la face qui rougeoie et cette décompression des joues, suivie d’un souffle d’aisance infinie. Cela ne vous rappelle rien ? Souvenez-vous de bébé dans son berceau, sa face réjouie et empourprée, le petit rictus qui apparait soudain, la crispation des muscles puis l’infernal fumet et le relâchement lumineux de sa face d’ange. Ça y est, vous y êtes ? Eh bien pour moi, Poupon la Peste a renouvelé la performance durant toute une journée entre Nice et Bourgueil. Je suis sûr qu’à plusieurs reprises, j’ai involontairement battu des records d’apnée.

Mimi, homme de voile, fils d’Eole, roi du vent.

A ce niveau de production, il ne faut plus gaspiller. Un gazoduc La Seyne – Fos serait d’un excellent rendement, joli complément de retraite. Pendant un temps, j’ai craint pour ma santé. Les yeux me brulaient. La gorge irritée,  je vacillais. Monsieur mange exclusivement des produits bio, cela pose problème et demande indubitablement réflexion. Quel peut être le parcours interne de ces aliments? Y-a-t-il une dérivation qui leur ferait emprunter un trajet inconnu de la science? Un passage secret qui passerait par l’enfer du décor ? Comme dit son ami Karl Lagerfeld “Archhh! Mimi quel immenze myztère!”

Au fil des Cosse, aujourd’hui Matthieu.

L’arrivée tonitruante sur la scène du judo internationale de Teddy Riner nous a permis, au travers des récits et anecdotes que sa mère a racontés, de sentir quelle était son anxiété, pour ne pas dire sa détresse, quand arrivaient les mercredis et qu’elle devait envisager comment maitriser sa petite tornade noire. 

N’en doutons pas, la maman de Matthieu Cosse a dû connaitre, quelques années auparavant, les mêmes affres. Lorsque l’on demandait au bambin quelle serait sa profession, il indiquait invariablement : marchand de menhirs itinérant, déménageur de pianos, éleveur de pachydermes, fort des halles, pêcheur de baleines bleues ou, plus aléatoire, vendeur d’enclumes à la sauvette. Heureusement Matthieu était né en terre d’Ovalie et put dépenser son trop-plein d’énergie sur les terrains, apprenant ainsi à ses adversaires d’un moment quels pouvaient être le quotidien d’un ruminant et surtout la vision macroscopique d’un carré de pelouse. En parallèle et dès quinze ans, il développa une grande passion pour le vin, phénomène qui correspond dans la mémoire rugbystique locale à une époque de profonde quiétude dans le championnat.

Le cépage choisi serait à l’image du rugby, rugueux mais chaleureux quand arrive la troisième mi-temps. Ce sera le Domaine Maisonneuve-Cosse en appellation Cahors. Mais quand on voit la taille de ses mains, et son gabarit, on se dit que 5 hectares c’est bien trop petit pour les occuper à plein-temps.

Alors, il y a quelques années, le hasard a placé sur son chemin un irlandais qui n’avait pas encore rencontré un de nos amis architecte, à savoir : il était encore milliardaire.  Dans sa tête un projet immense et pour le réaliser, un bras droit, un vrai à la Guillermo Vilas, pas un champion du monde de l’immeuble. Matthieu serait son homme. Depuis 2008, les cent dix hectares du Château La Coste sont menés en bio-dynamie, un chai ultra-moderne dont la partie esthétique a été confiée à Jean Nouvel est sorti de terre. Un café-brasserie avec un espace librairie dessiné par Tadao Ando a vu le jour, et au hasard de la promenade que vous pouvez faire dans les vignes, la découverte d’œuvres d’artistes majeurs (Franck Gerhy, Calder, Louise Bourgeois….).

Tout cet univers sera à la portée des professionnels dès 10h le lundi 16 avril au cours d’une journée portes ouvertes du domaine. Matthieu en a profité pour inviter une cinquantaine d’amis vignerons qui vous ferons goûter leur dernier millésime et, si vous le désirez, l’art viril mais correct du plaquage.

Château La Coste – 2750 Route de la Cride _ 13160 Le Puy Ste Réparade – Tél 04 42 61 92 90

Opération “Figatellu”

Il est encore trop tôt pour les oranges et les pomelos mais c’est parfait pour les derniers figatelli. Cette cuvée issue de vrais porcs corses de Pietroso, rapportée par ma promise, est particulièrement exceptionnelle cette année, l’équilibre entre le foie et le gras est parfait. Deux manières de le déguster : grillé ou cru. Pour la version grillée, l’accompagnement idéal reste la pulenda.

Une farine de châtaigne tamisée, jetée dans un grand faitout, additionnée d’une quantité très précise d’eau bouillante car il n’est pas question d’en rajouter par la suite, que l’on touille énergiquement pendant 20 minutes avec un bâton de bois nommé “pulindaghiu”. Autant dire que la pulenda n’est pas un plat de célibataire, d’autant qu’en dehors du touilleur fou il faut se trouver un bon gars costaud pour tenir fermement la gamelle sur le feu. Le touilleur devra s’agiter le bâton de manière centrifuge et régulière sans oublier de décoller méthodiquement la pâte qui se sera accumulée sur les parois, faute de quoi vous aurez un goût de brûlé.

Au terme des 20 minutes, vous retournerez la gamelle et, sur un torchon recouvert d’un voile de farine, la pâte cuite tombera sans résistance. A l’aide d’un fil à coudre et surtout d’un geste sûr et ample, vous découperez des tranches d’un bon centimètre d’épaisseur que vous passerez sur le torchon enfariné. Hé oui cette boule marron qui ressemble à une expansion de César est le fruit d’un savoir ancestral. Pendant ce temps, vous aurez collé le plus chétif au barbecue, sa mission étant capitale car le plus important reste la synchronisation, les deux composants devant absolument être servis chauds. Nous conseillons sans retenue un rouge de chez Grotonio et Fils. Non seulement c’est bon mais en plus c’est excellent, ce sont des amis, mon éventuel beau-père a bien connu Marie du temps où elle était étudiante à Nice, alors ce rouge devient naturellement incontournable.

Mais ce matin, m’ayant acheté deux baguettes croustillantes au levain chez J-Y Catuogno, boulanger M.O.F. à Cagnes, une voix m’a dit :”PQ, ce midi tu mangeras un figatellu cru”. Généralement quand Dieu me parle sur ce ton, je m’exécute sans sourciller. “Hum! Et pour le vin je fais quoi?” Pas de réponse. Direction la cave. Depuis un certain temps, mes recherches au hasard m’amenaient souvent sur une bouteille d’Etats d’Âme 1997 d’Olivier Jullien. Son heure avait sonné.

Dès l’ouverture j’ai aimé ses arômes. Ma fiancée lui a reproché une légère acidité, mais j’ai fortement cru en lui et effectivement, une demi-heure plus tard, tout déboulait. Une grande puissance aromatique, une texture fine et une finale sur des tannins soyeux. Puissance et gourmandise. Figatellu, pain, beurre demi-sel et Olivier Jullien ont fortement contribué à l’amélioration de mon image auprès de mon amoureuse qui m’a avoué :”Hombre, c’est parfait !”. Oui je sais c’est bizarre ce “Hombre!” plutôt que “Philippe””Kéno” ou “Amour de ma vie”. De méchantes langues m’ont dit qu’ainsi l’emploi de ce terme générique évitait toute confusion.

Chronique de l’amer

C’est devenu monnaie courante de lire à la page des faits divers la relation d’un de ces débordements dû à l’alcool qui aura mené deux amis de longue date à des extrémités qu’ils regretteront le lendemain une fois dégrisés.

Je ne déroge pas à la règle. M’est-il arrivé par le passé de vous narrer par le menu cette lamentable aventure qui m’avais amené à participer à ce collectif appelé “Galinette” du nom du submersible que nous avions acheté en commun? (Nous pensions acheter un cigare des mers, il ne s’agissait que d’un mégot flottant). La règle étant que le démissionnaire ne pouvait rien réclamer lors de son départ, je m’étais résolu à admettre que deux promenades en mer à ramer et à écoper le gas-oil en fond de cale pour 1500€ était une bonne affaire.

Eh bien je suis tombé l’autre jour sur ces photos au beau milieu du quotidien local où il était rapporté qu’abrutis par l’absorption excessive de grenache (Cuvée Galinette du Domaine de Sulauze de Karina et Guillaume Lefèbvre), les deux derniers actionnaires en étaient venus aux mains. Il semblerait d’après les premiers résultats de l’enquête que Rénato Bellamusicatchitchi n’ait pas supporté que son ami Jacfé ait changé la barre de direction pur style Henri II pour une “spéciale sport” avec fourrure, plus en rapport avec la nature même de cet ouragan des mers. Un détail anodin qui, amplifié par l’ivresse, aura pris des proportions démesurées.

Une fois leur magnum de honte bue, comme beaucoup de couples alcooliques, les deux compères auraient repris une vie maritime commune. Jusqu’au prochain excès, n’en doutons pas, malheureusement. Par bonheur, aucun enfant n’était pris en otage dans cette sinistre histoire.

Rappelez-vous, parfois l’alcool peut nuire. Parfois mais pas toujours.

Quand Reix attaque………..

Hasard du calendrier, récemment Total et Glougueule annonçaient le même jour leur résultat 2011. Une grosse dizaine de milliards d’euros pour notre ami Trist’oeuf de Marjorie, Glougueule, quant à lui reste muet, s’interdisant de dévoiler ses bénéfices. Leader mondial du ticheurte vraiment très très drôle, notre mentalité de tueurs nous pousse à ne laisser aucun espoir à la concurrence, donc silence. Juste un renseignement pour vous donner un ordre d’idée de l’ampleur du phénomène Glougueule : Jacques Ferrandez a convoqué le charcutier niçois Pons, gardien de la tradition pied-noir et lui a fait prendre les mesures de son atelier afin qu’il le décorât de chapelets de boutifar et soubressade. Hervé Baru a changé le saphir de son Teppaz et s’est offert deux boites de gomina. Lefred-Thouron et Lindingre, arrivés en cours d’année ont, quant à eux, indiqué d’ores et déjà qu’ils reprendraient la même chose.

Envisager le marché d’après-demain, voilà notre devise. C’est pourquoi avec Michel Tolmer, spécialiste maison de la finance sur le long terme nous avons lancé une grande campagne de recrutement, objectif numéro un : Philippe Vuillemin. Chanel, il y a quelques années, s’était adjoint la collaboration de Vanessa Paradis, considérant le supplément d’âme que cet artiste apporterait à la déjà célébrissime société. Même réflexion, même démarche, même espoir. Qui mieux que Philippe Vuillemin pourrait à l’heure actuelle représenter Glougueule à l’international? Rendez-vous fut donc pris au Jeu de Quilles de Benoit Reix pour un petit-déjeuner de travail. Les négociations s’ouvrirent sur un Beaujolais blanc 2009 de Philippe Valette accompagné de lamelles de parmesan à différents stades d’affinage. Une fois à table, juste sous le comptoir afin de rester à portée de main du patron et surtout dans la zone de test, nous avons discuté des grands principes de notre future collaboration avec Les Florines de Jean-François Ganevat sur un velouté de châtaignes, pour le contrat type zone France un Morgon 2009 de Guy Breton avec quelque chose de très très bon aussi. Quant à l’international, Benoit nous a cloué la langue avec une fricassée de ris de veau, petits légumes et truffes arrosée par une Pinoterie 2010 du Domaine Prieuré-Roch. En fin de séance Benoit, Guillaume et Julien se sont assis à notre table afin de formaliser les résultats obtenus au cours de cette séance de travail acharnée. Leur aide nous fut précieuse. Au moment de nous séparer, Philippe nous a confié qu’il avait mangé là son plus meilleur petit-déjeuner.

Le Jeu de Quilles – 45 Rue Boulard _ 75014 Paris – Tél : 01 53 90 76 22

Un coup de Bistral.

Par ces temps de grands froids nous étions mon camarade Tolmer et moi-même en quête d’un lieu parisien accueillant et sincère. Un peu de chaleur humaine, une cuisine généreuse, un bon coup à boire et nous serions les plus heureux des hommes. Nous nous sommes ainsi retrouvés Rue Lemercier chez Alex, patron du Bistral dont seule l’enseigne se conjugue au singulier pour le reste envisagez le pluriel. Le hasard est parfois taquin qui avait fait venir à la même heure Arnaud Bradol des Fines Gueules. Stratégiquement cette configuration de départ laissait entrevoir beaucoup de possibilités, tout restait envisageable et ce, jusqu’au dernier moment, juste avant l’extrême-onction. Avec l’âge je sais que je devrais m’assagir, devenir raisonnable mais lorsque j’ai vu cette poêlée de crevettes grises noyées dans le beurre avec quelques brins de persil hachés pour tout linceul, mon côté normand est revenu au galop. Bientôt quarante ans d’exil volontaire au soleil, j’ai adopté la civilisation de l’olive et avec, tous les jeux qui tournent autour mais là, l’appel était trop fort. J’ai repiqué immédiatement, une intraveineuse, décharge fulgurante d’un cholestérol de première qualité, du Bordier pur. Non coupé, pour une reprise le risque était grand mais la structure anti-adhésive de mes artères à base de saindoux a résisté. Les yeux vitreux et le sourire béat nous en avons repris une deuxième et puis une troisième. Après quinze ans d’abstinence il ne me restait plus qu’à reprendre le tabac pour emprunter le raccourci qui me permettrait de ne pas avoir à attendre mes 60 ans révolus pour partir en retraite. Une douce quiétude m’envahissait, ne manquaient qu’un feu de cheminée et quelques poutres apparentes pour me transporter cinquante ans plus tôt dans la ferme de mes grands-parents au fin fond du Calvados. Alex, homme généreux exauça mes deux vœux, palliant le feu de bois par un combustible moins solide mais tout aussi efficace, alimentant notre chaudière régulièrement de superbes bûches. Quant aux poutres apparentes la livraison se fit en fin du repas. Un convoi exceptionnel, un modèle flamboyant gainé de rouge, une super-structure digne d’encaisser des contraintes extrêmes, du biton armé de premier choix. Visiblement un homme de savoir, ce qui ne nous étonna en rien, Alex ayant toujours su choisir ses fournisseurs au sommet de leur art. Vers 18h nous dûmes les quitter à regret pour affronter la froidure et les embruns de comptoir qui nous attendaient à la Quincave.

Le Bistral  –  82 Rue Lemercier  –  75017 Paris  –  Tel : 01 44 85 91 99

Forza Italia

Il y a encore peu, mon enveloppe charnelle fêtait son demi-siècle. A l’occasion de cet évènement exceptionnel, les membres de  mon club de fanatiques s’étaient cotisés pour nous offrir, à ma promise et moi-même, un magnifique voyage en Italie avec visites des principales cités marquantes de notre civilisation : Rome, Venise, Florence, Naples, …. Le jour anniversaire parvenu, au vu de la somme réunie, j’ai compris qu’il nous faudrait être raisonnables et recadrer le cœur de cible, en gros c’était deux jours dans un lieu tout proche, ou trois mais vraiment pas très loin. Après de savants calculs, nous avons jeté notre dévolu sur Alba et sa région, sachant que si nous avions de quoi y parvenir, nous n’aurions de la truffe blanche que l’odeur. L’ami Labarde de la Part des Anges nous avait recommandé quelques adresses dont celle de Guiseppe Rinaldi à Barolo. Rendez-vous pris à 11h, nous y étions à l’heure précise. Très jolie maison dominant le cirque des vignes, nous nous sommes installés sur un muret au soleil en l’attendant. Le temps passant je remarquai dans celles-ci un chenillard avec à son volant un personnage qui aurait pu être “Beppe Rinaldi”. Car mon insolent pouvoir de déduction m’avait amené à cette conclusion que le vigneron, qui travaillait à deux pas de cette maison sur une vigne dont un chemin en bout de rang menait directement à celle-ci, pouvait très bien en être le propriétaire ou tout du moins avoir quelque chose à voir avec cette demeure. Futé! Non?

Effectivement une demi-heure plus tard, l’homme au chenillard arrivait avec aux lèvres cette méchante moue du type dont la préoccupation du moment n’est pas de faire goûter à deux touristes français en mal d’authentique. Le début de la dégustation s’effectua au pas de course avec des commentaires limités au strict minimum, jusqu’à ce que nous parvenions à la salle de dégustation où, sur une vieille planche brinquebalante, trônaient une collection de bouteilles vides parmi lesquelles je reconnaissais bon nombre de vignerons amis. C’est au moment précis où je lui énumérais cette liste de noms que nous vîmes apparaitre pour la première fois un sourire sur son visage.

Là se situait le sésame. A partir de cet instant la visite a basculé vers “les amis de mes amis….” Du coup nous avons tout gouté, et au moment de partir, dans le carton il glissa un vieux millésime de Barolo. Et c’est samedi dernier à l’occasion d’un repas avec des amis qui parlaient de l’Italie qu’il me vint l’idée d’ouvrir une bouteille de Barbera d’Alba 2001. Voilà une bouteille magnifique qui nous a subjugués par son équilibre, alliant une belle puissance à un fruit exceptionnel. Elle était déjà vide que nous en parlions encore.

Ah, au fait si vous vous rendez chez Mr Rinaldi Guiseppe de Barolo, souvenez-vous que les noms des vignerons à énumérer ont pour initiales : M.R. – M.L. – A.A. – D.H. – J.F. – J.P.T. – et bien d’autres………

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